Sources : « De la religion du Nord de la France avant le christianisme » Louis De Backer. Lille 1854
On sait que les auteurs latins avaient pour habitude de plaquer les noms de leurs divinités sur les noms des divinités locales. Odhinn fut dès lors comparé à Mercure comme le montre Gaifridus Monemutensis, auteur du 12°s : « Colimus maximè Mercurium, quem Woden lingua nostra appellamus. »
On retrouve une trace de l’adoration de cette divinité dans la vie de St Willebrod : à son arrivée à Westcappel en Zélande :
“Tot Westcappel dat hi quam,
Daer hy aenbedea vernam
Mercuriuse over enen God,
Dat beelde door ons heeren gebot
Brak hy, etc... “
Quand il vint à Wetscappel, il apprit que ses
habitants y adorèrent Mercure comme un dieu;
il brisa cette statue par ordre de Notre Seigneur.
St Amand, arrivant à Gand y trouva également un autel dédié à Woden avant de le convertir en un monastère dédié à St Pierre. St Materne, partit pour évangéliser la région de Tongres y trouva une statue de Woden, accompagnée de Thor et Freya. On retrouve d’autres autels ou lieux sacrés dédiés à Odhinn à Anvers, Namur, Furnes (actuellement église Ste Walburge) et Louvain (actuellement église St Michel.) Dans le nord de la France, Woden fut adoré à Boulogne-sur-mer à l’endroit où fut construite la « Tour d’ordre ». St Widoc renversa ce qui est identifié comme un culte à Wotan à Groenberg (ville de Bergues) vers 685. Plusieurs localités ont retenu, dans leurs noms, le passé religieux : le Wonsberg (Colline de Woden) entre Cassel et St Omer, selon Grimm Vaudemont (Mont de Wotan) en Lorraine. Ces autres lieux sont cités également comme d’origine odinique : Audencourt près de Cambrai, Audignies près d’Avesnes, Audincthum près de Fauquemberghe, Audighem près de Boulogne, Autingues près d’Ardres, Audenfort, Audenthun près de St Omer, Autembert près de Wierre-effroy où se trouve l’Hedensberg (colline des païens), Authin près de Walhuon.
En Belgique, le nom de Woden se retrouve aussi dans Wodecq, Vodon, Vaudesée, Vaudelée, Voneiche, Audingeseele.
Des forêts sacrées ont également gardé des noms liés à Odhinn : Wadogia entre Folembray et Crépy, Vosagus de Wa-folt près de Noyon et la forêt de Wès dans le Valois. En Belgique, on retrouve Hodinfosse près de Vielsalm.
En Flandres, il reste plusieurs traces du culte à Woden : il est connu comme « Den verloren jagher » (le chasseur égaré) menant la chasse sauvage lorsque soufflent les vents d’hiver. La tradition flamande attribue un nom spécifique à Odhinn : Woens, venant de « woeden » signifiant Fureur. Il était connu pour ses voyages mais il lui était attribué un chariot en plus de son cheval : le Woenswagen (chariot de Woden) ou « Himelwagen » (chariot du ciel). Ce chariot était réputé recueillir les âmes trépassées destinées à la vaholl. On connaît les rapports qu’entretient Odhinn avec l’ours de part les berzerkir, en Flandres cela se retrouve aussi : les Flamands donnèrent le nom de Woenswagen à la constellation de la Grande Ourse. La tradition flamande connaît également un personnage issu des bestiaires du Moyen Age : Brun ou Bruno que l’on peut rattacher à Woden. Voici une comptine flamande qui met ce personnage en scène :
“ Bruno heeft een koets gemaekt
Op vier wielen sonder veerdere,
Bruno heeft een koets gemaekt
Die alleen naar Brussel gaet.”
Bruno a fait un chariot
A quatre roues sans plus,
Bruno a fait un chariot
Qui va tout seul à Bruxelles.
Gaces de Brulle (Gace Brulé), troubadour champenois du début du 13°s fait encore mention d’Odhinn dans une de ses chansons du recueil de poésir du Roi de navarre : « … Gasses de ta mesestance mande en France Odin por Dieu que l’on dit voir … »